« Libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner le plus grand nombre »
La Parole de Vie de ce mois-ci est tirée de la première lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe. Depuis Éphèse, il tente d’apporter quelques réponses aux problèmes apparus dans la communauté grecque de Corinthe, grande ville cosmopolite mais aussi célèbre pour sa corruption.
Les destinataires de la lettre s'étaient convertis du paganisme à la foi chrétienne quelques années auparavant grâce à la prédication de l'apôtre. Une des controverses divisant la communauté portait sur la possibilité de manger la viande des rites païens sacrifiée aux idoles.
Mettant l’accent sur notre liberté en Christ, Paul analyse le comportement face à certains choix et développe l’idée de la liberté.
« Libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner le plus grand nombre »
Puisque les chrétiens savent qu’il n’y a « aucune idole dans le monde et qu’il n’y a d’autres dieux que le Dieu unique » (8,4), il importe peu qu'ils mangent ou non de la viande sacrifiée aux idoles. Cependant le problème se pose lorsqu’un chrétien se trouve en présence de ceux qui ne possèdent pas encore cette conscience, cette connaissance de la foi, et que son attitude peut donc scandaliser une conscience faible.
Quand la connaissance et l'amour sont en jeu, il n'y a aucun doute dans l'esprit de Paul : le disciple doit choisir l'amour, même au prix de sa propre liberté, comme l'a fait le Christ, qui s'est librement fait serviteur par amour.
L’attention au frère faible, souffrant d’une conscience fragile et d’un manque de connaissances, est fondamentale. L’objectif est de « gagner » en obtenant que la vie forte et belle de l’Évangile atteigne le plus grand nombre de personnes possible.
« Libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner le plus grand nombre »
Comme l’écrit Chiara Lubich : « Si nous sommes incorporés dans le Christ, si nous sommes le Christ, être divisés, avoir des pensées opposées revient à diviser le Christ […]. S’il avait fallu rompre la concorde entre les premiers chrétiens pour avoir l’unité de pensée, il était conseillé de renoncer à ses propres idées pour maintenir la charité. Paul écrivait aux Romains : “Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans critiquer ses scrupules” (Rm 14,1). Il ne voulait pas que la charité vienne à manquer à cause d’un rien, à cause d’une façon diverse de raisonner. D’ailleurs, une des qualités que Paul souligne pour la charité est la patience. Il en va de même aujourd’hui. Parfois nous sommes convaincus que notre façon de penser est la meilleure, mais le Seigneur nous suggère qu’il vaut mieux renoncer à nos idées pour sauvegarder la charité. Mieux vaut choisir le moins parfait, en accord avec les autres, plutôt que ce qui semble parfait, mais en désaccord avec eux. Cette façon de plier plutôt que rompre est sans doute douloureuse, mais elle est l’un des facteurs les plus efficaces et bénis par Dieu pour maintenir l’unité selon la pensée authentique du Christ, et le Christ sait en apprécier la valeur (1). »
Paul écrivait aux Romains : « Accueillez celui qui est faible dans la foi, sans critiquer ses scrupules » (Rm 14,1). Il ne voulait pas que la charité vienne à manquer à cause d’un rien, à cause d’une façon diverse de raisonner. D’ailleurs, une des qualités que Paul souligne pour la charité est la patience.
« Libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner le plus grand nombre »
L'expérience du cardinal vietnamien François van Thuân, qui a passé treize ans en prison, dont neuf en isolement total, témoigne qu’un amour vrai et désintéressé suscite toujours l'amour en réponse. Pendant son emprisonnement, il avait été confié à cinq gardes, mais les dirigeants avaient décidé de les remplacer tous les quinze jours par un autre groupe car ils étaient « contaminés » par l'évêque. Finalement, ils décidèrent de laisser les mêmes, sinon il risquait de « contaminer » tous les policiers de la prison. Il raconte lui-même : « Au début les gardes ne m’adressaient pas la parole. Ils répondaient seulement par oui et par non. C’était vraiment triste. Je voulais être aimable et courtois avec eux, mais c’était impossible. Ils évitaient de parler avec moi. Une nuit, une pensée m’est venue : “François, tu es encore très riche, tu as l’amour du Christ dans le cœur ; aime-les comme Jésus t’a aimé”. Le lendemain je me suis mis à les aimer encore plus, à aimer Jésus en eux, en souriant, en échangeant avec eux des paroles gentilles […]. Peu à peu nous sommes devenus amis (2). » En prison, avec l'aide de ses geôliers, il avait fabriqué la croix pectorale qu'il a portée jusqu'à sa mort, symbole de l'amitié née entre eux : de petits morceaux de bois et une chaînette en fer.
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(1) Chiara LUBICH, Un nouvel art d’aimer, Nouvelle Cité 2006, pp. 122-123.
(2) Mgr François-Xavier NGUYEN VAN THUAN, Témoins de l’espérance, Nouvelle Cité 2000, p. 99.